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mercredi 26 novembre 2014

Fonds propres des banques : attention à en faire assez

Dans un point de vue paru dans les Echos du 25 novembre (Fonds propres des banques : attention à ne pas en faire trop), Patrick Artus et Laurent Mignon de Natixis expliquent qu’il faut que les régulateurs fassent attention à ne pas surdimensionner l’exigence en fonds propres des banques, notamment des banques systémiques. Les exigences peuvent en effet paraître importantes, mais il serait bon de rappeler qu’il s’agit d’institutions qui, avant la crise, présentaient des bilans dans lesquels les fonds propres ne représentaient que 2 à 3 % du passif. Les fonds propres ne représenteront que 6 % du passif des banques systémiques et 3% pour de plus petites banques. Je ne suis pas sûr que Modigliani et Miller aient envisagé des entreprises aussi peu capitalisées lorsqu’ils ont établi leur théorème. Alors bien sûr, les banques sont des sociétés différentes et l’analogie avec la capitalisation d’entreprises industrielles et commerciales ne doit pas s’aventurer trop loin. Cependant, l’extrême faiblesse des fonds propres dans les bilans des banques ne peut laisser indifférent et n’est supportable que du fait de la garantie publique des dépôts.

Dans un objectif de diminution de la dépendance à cette garantie, je suis d’accord avec les auteurs pour me réjouir de la fin du bail-out (qui implique notamment une intervention massive des Etats pour sauver les banques). Les finances publiques de la plupart des Etats occidentaux interrogent aujourd’hui fortement sur leur capacité à sauver des banques gigantesques si ces dernières étaient en difficulté. La valeur réelle de cette garantie implicite des dépôts que la puissance publique est capable d’offrir est finalement inconnue et peu rassurante. De plus ne serait-il pas légitime aujourd’hui que le coût du risque des banques soit pris en charge par les investisseurs informés (à travers le bail-in) plutôt que par les déposants et les contribuables ? Le bail-in signifie qu’en cas de difficulté d’une banque, les passifs financiers (dettes et fonds propres) seront sollicités avant que l’Etat n’intervienne. L’aléa moral induit par le soutien des Etats semble, au regard de la dernière crise financière, trop important pour que rien ne change. Les auteurs ont raison, la fin de la garantie implicite par l’Etat risque d’accroître le coût du financement par dette, mais n’est-ce pas totalement justifié ? Des investisseurs informés ne doivent-ils pas porter le risque que les Etats n’ont plus les moyens, et les déposants pas vocation, de sauver à un coût social et collectif raisonnable. Doit-on rappeler ici que le total bilan de la BNP est certaines années supérieur au PIB français ? La comparaison est hasardeuse, mais donne une idée des volumes dont il est question.


Le ratage de la partie concernant la séparation des bilans de la loi bancaire française, incite à définir des règles claires ex ante limitant le hasard moral. Sans réelle séparation des actifs, les déposants continuent de supporter un risque important. L’implication prioritaire des investisseurs financiers à travers le bail-in paraît une condition nécessaire à la solvabilité du secteur bancaire européen. Des choix stratégiques cohérents au regard de la régulation qui se met en place semble être une condition plus suffisante  de cette solvabilité.

mercredi 5 novembre 2014

Les banques, ça ose tout, c'est même à ça qu'on les reconnaît

Deux informations récentes, qu'il serait possible de trouver tout à fait légitime, posent néanmoins question.

La première information, sans doute la moins choquante, concerne la possibilité offerte aux banques françaises de ne pas intégrer les montants collectés sur les livrets réglementés (livret A notamment) et centralisés auprès de la CDC dans le calcul du ratio de levier comptable (AGEFI, 5/11/14 et Les Echos, 3/11/14). Comme le souligne l'AGEFI cela permet, par un jeu d'écriture, au ratio de levier de la Banque Postale de passer de 3 % à  4,5 %. Cela me dérange car tout d'abord, il me semblait que le ratio de levier introduit après la crise était justement un ratio non pondéré du risque, mis en place pour limiter la course à l'armement mathématique permettant par des pondérations avantageuses de limiter le besoin en fonds propres de certaines banques. Par ailleurs, à une période où les Etats-Unis et la Grande Bretagne sont en train de durcir ce ratio (envisageant 4% voire 5% ou même 6% dans le cas des filiales bancaires aux Etats-Unis), il me paraît dommage que la France se montre timorée sur ce sujet fondamental.

La seconde information me dérange plus. Les banques françaises sont en passe d'obtenir que leur contribution au fonds de résolution européen soit déductible des impôts. Ainsi, un fonds mis en place pour réparer les errements de certaines banques seraient financer en partie par l'impôt, donc les contribuables qui semblent pourtant depuis la crise largement sollicités. Dans un memo de la commission européenne daté du 15/04/14, il est rappelé que "la résolution des défaillances bancaires sera conduite sans recourir à l'argent du contribuable" ; il semble, dans le cas présent, que la déductibilité de la contribution au fonds de résolution serait partiellement incompatible avec cette volonté d'épargner le contribuable.

On peut entendre l'argument relatif au risque de perte de terrain concurrentiel par rapport aux banques étrangères du fait d'une régulation trop lourde. Mais dans les deux cas présentés ici, il semble que la France soit plutôt à la  traîne de certaines autres nations alors qu'aujourd'hui les banques ont besoin d'asseoir leur solidité et de rassurer sur leur avenir.

mercredi 19 mars 2014

Transparence des interventions des banques centrales : un outil d'efficacité

Les LTRO (Long Term Refinancing Operation) sont des opérations ayant permis à la Banque Centrale Européenne de prêter à long terme (3 ans) aux banques européennes en 2011 et 2012. Les montants furent de 489 Mds d'euro en 2011, et 800 Mds d'euro en 2012. Plus de 500 banques ont bénéficié du premier LTRO et 800 du second. Je commence par ces chiffres afin de donner une idée de l'ampleur de l'aide accordée. L'idée, fort louable à l'origine, consistait à rassurer les marchés en assurant aux banques un financement à 3 ans à taux faible, plutôt que de pratiquer le renouvellement de financements à plus court terme. L'objectif de soutien aux banques et à l"économie européenne paraissait clair à l'époque, mais plus de deux ans après cette aide massive, l'économie européenne patine et nous sommes assez proche finalement d'un scénario tel que celui qu'a connu le Japon au début des années 90 et il est légitime de se demander pourquoi.

La réponse repose en partie sur un parallèle qu'il est en effet possible d'établir avec la crise nippone et les similitudes quant à la nature secrète des opérations et au manque de transparence. Dans le cas européen, les 1 000 milliards prêtés par la Banque Centrale Européenne à cette occasion l'ont été avec une absence de transparence quasiment sans équivalent dans le monde. Aucune information précise n'a été fournie quant aux bénéficiaires de ce LTRO (http://www.les-crises.fr/documents/2012/bce.pdf). Certaines banques ont déclaré le montant reçu (24 Mds pour Intesa, 22 Mds pour BBVA, 11 Mds pour la Lloyds), d'autres uniquement le fait d'avoir bénéficié du LTRO sans préciser le montant (Caixa Bank...) et enfin certaines ont simplement refusé de communiquer quelle information que ce soit (c'est le cas des banques françaises par exemple). L'objectif affichée de ce manque de transparence est de ne pas affoler les marchés : "les banques vont mal, sauvons les sans le dire et tout ira mieux ensuite".
Le problème d'une telle opacité est, comme ce fut le cas au Japon il y a 20 ans, son incapacité à rassurer les investisseurs et les déposants. Cette stratégie consistant à agir en ne communiquant pas les mauvaises nouvelles montre actuellement ses limites. Ces dernières sont d'ailleurs si criantes, que la BCE procède actuellement à une opération vérité sur les parties les plus opaques des banques européennes, les créances douteuses et les actifs de niveau 3 notamment. L'AQR (Asset Quality Review) consiste à auditer enfin les bilans bancaires européens.

Quand en 2014 (soit plus de 2 ans après le dernier LTRO), Unicredit annonce avoir provisionné plus de 9 Mds d'euro et déprécie pour un montant équivalent de survaleurs sur l'exercice 2013, elle ne le fait que parce qu'arrive ce fameux AQR de la BCE, révélateur d'informations qui effraie de nombreuses banques.

Il est sans doute un peu naïf de penser que les montants gigantesques d'actifs complexes à évaluer des bilans bancaires européens vont pouvoir être analysé en toute transparence, mais je reste convaincu qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction.

lundi 28 octobre 2013

Sortie de la deuxième édition du livre "Banque et Intermédiation Financière"

J'ai le plaisir de vous annoncer la sortie de la 2e édition du livre "Banque et Intermédiation Financière" chez Economica.

Cette nouvelle édition, actualisée et enrichie, intègre de nouveaux chapitres relatifs au financement de projet, à la gestion d’actifs, au risque systémique et à la gouvernance des banques ainsi qu'une mise à jour des chapitres présents dans la première édition. Elle répond aux questions que se posent les différents acteurs économiques désireux de mieux connaître l’univers des banques.





mercredi 23 octobre 2013

Comment limiter les biais de régulation ?

En ces périodes de prix Nobel, je lisais récemment un ouvrage de Daniel Kahneman, prix Nobel d'économie en 2002 pour l'apport énorme de ses travaux au courant de la finance comportementale (voir à ce propos les travaux de Shiller, prix Nobel 2013).
Cet ouvrage s'intitule "Thinking, Fast and Slow" et présente les réflexions les plus récentes de Kahneman concernant le jugement individuel et la prise de décision en environ incertain. D'après lui, les gens commettent d'importants biais lorsqu’ils choisissent, du fait des nombreuses règles simplifiées ("heuristics") utilisées pour guider leurs choix. Dans cet ouvrage,  Kahneman décompose le fonctionnement du cerveau en deux systèmes. 
Le système 1 fonctionne de manière automatique, est très rapide, n'a pas besoin  de pause, et il est très difficile, voire impossible, à contrôler.
Parallèlement, le système 2 est plutôt lent, mais capable de réaliser des opérations cognitives complexes, ce que le système 1 ne prend pas le temps de faire.
Face à un problème quelconque, le système 1 fournit quasi instantanément une liste de réponses, plus ou moins satisfaisantes. Le système 2 doit contrôler le système 1, mais pour cela, il a besoin de temps et doit souvent laisser le système 1 "décider" sans pouvoir intervenir.

La lecture de ce livre, m'a inspiré une application à la régulation bancaire en passant de la psychologie individuelle à la psychologie collective . Cette application est certes imparfaite, mais l'idée de ce blog n'est-elle pas de lancer certaines pistes de réflexions que d'éventuels travaux ultérieurs pourront renforcer ?

Envisageons l'organisation bancaire comme la juxtaposition de deux systèmes. Le premier est rapide dans sa capacité à prendre des décisions, se repose peu et surtout est très difficile à contrôler. Le second est plus lent, suppose une réflexion permettant la prise de décisions cognitives complexes. Les acteurs des salles de marché, les équipes de M&A, les chargés de clientèles sont des illustrations de ce que peut être le système 1 dans la banque. Le contrôle et l'audit interne et externe nous rapprochent plus du système 2 se situant moins dans la prise de décision immédiate et chargé d'envisager les conséquences des décisions prises par le système 1.
A partir de représentation de la banque, on peut envisager les dangers de la régulation actuelle, trop complexe et alambiquée, dans le surcroit de travail qu'elle impose au système 2 sans ralentir l’hyperactivité du système 1. Les modes de rémunération dans la banque fondée autant sur le volume d'affaires que sur la performance incite toujours fortement à cette hyperactivité que le système 2 peine à contrôler. Kahneman explique très bien que l'importante énergie dont a besoin le système 2 dans son contrôle du système 1, ralentit encore plus sa propre activité. Plus la régulation est complexe, plus le système 2 est énergivore et moins il est efficace.

Charger le contrôle interne et l'audit d'une réglementation toujours plus complexe, donne l'impression d'une plus grande transparence et d'une plus grande sécurité du système. Cependant il n'est pas certain que cela améliore réellement la capacité de contrôle dans les banques et la solvabilité du système.

jeudi 13 juin 2013

De l'importance d'informer les déposants

J'ai eu le plaisir d'assister la semaine dernière à l'Université Paris Dauphine à une présentation par Manju Puri (Duke University) d'un article intitulé "Do Depositors Monitor Banks". Cet article traite des ruées bancaires et surtout de la réaction des déposants face à une mauvaise nouvelle concernant la banque dans laquelle est déposée leur argent (Pour télécharger le papier sur SSRN). Cet article particulièrement intéressant, est établi à partir d'une base de données unique reposant sur la nature de chacun des dépôts (montant, mais également sur certaines caractéristiques individuelles des déposants...) d'une banque indienne ayant subi une ruée bancaire suite à des erreurs de management révélées par le régulateur indien.

Parmi les nombreux résultats de cette étude, j'ai été particulièrement intéressé par celui qui montre que  les déposants contrôlent le risque de la banque, non pas directement à travers l'analyse des fondamentaux de celle-ci, mais à travers les informations émises par l'agence de régulation. La question du contrôle la banque par les déposants est au centre de nombreuses réflexions depuis longtemps et notamment l'article de Diamond en 1984. Mais la plupart des modèles théoriques et des implications pratiques n'envisage que le contrôle direct de la banque par les déposants. Considérer le rôle central du régulateur dans ce contrôle de la banque par les déposants est nouveau et mériterait sans doute d'autres études.

Ce résultat est en effet fondamental, car il confirme l'importance du régulateur, mais pas uniquement dans son rôle d'interlocuteur technique des spécialistes bancaires. Il met en exergue le besoin pour le régulateur de prendre conscience de son importance auprès des déposants, agents non spécialistes mais parties prenantes fondamentales des banques. L'information qu'il émet doit ainsi pouvoir être transmise aux déposants afin notamment de lutter contre l'éloignement très net observé depuis la crise entre les banques et les déposants-contribuables.

mardi 4 juin 2013

Faut-il craindre les banques too big to fail ?

Depuis la crise, les grandes banques sont plus inquiétantes que rassurantes.

Dans une petite interview disponible à l'adresse suivante (Atlantico. Too big to fail), j'explique que, certes il est légitime de s'inquiéter du danger en provenance des banques "systémiques et de l'incapacité des Etats à rassurer face à ce danger , mais que ce dernier provient plus d'une mauvaise répartition des risques en cas de faillite bancaire que de leur taille.